Quand Guy Ryan voulait Realiser enrager le pere Yves, l’ancien maire de Montreal-Nord, il savait quel tour lui jouer.

Quand Guy Ryan voulait Realiser enrager le pere Yves, l’ancien maire de Montreal-Nord, il savait quel tour lui jouer.

Il faisait semblant de prendre 1 appel, a la residence familiale et d’envoyer balader un electeur fictif. « Je prenais le telephone et je parlais dans le vide, ‘ben oui, ben oui, il y a une neige devant votre domicile, kesse que vous voulez que ca me fasse !’ », raconte Guy. « A chaque fois mon pere mordait et ca l’enrageait. Il traitait d’innocent, me disait que j’avais nullement d’affaire a parler aux gens comme ca. Et la juste je lui disais qu’il n’y avait personne au bout en ligne. Ca marchait a tout coup. »

Yves Ryan est mort d’un arret cardiaque hier matin vers 9 h a l’Hotel-Dieu ou il venait d’etre transfere. Cela est depuis quelques mois a l’hopital de rehabilitation Villa Medica, ou l’avait amene 1 accident vasculaire cerebral survenu le 29 xmatch septembre dernier. Cela devait retourner a domicile le 13 fevrier, etant donne qu’il avait presque retrouve sa forme, celle d’un homme de 85 annees amaigri, affaibli, mais determine. Puis, a la fin en semaine derniere, son c?ur a commence a Realiser des siennes, M. Ryan a commande le chemin de l’hopital et hier, le quotidien a lache prise.

« Il semble libere », affirme Guy. Cela ne voulait pas etre place. Il voulait rester autonome, il voulait se battre. Mais il se demandait contre quoi.

Son AVC lui avait laisse des problemes d’elocution, « mais toute sa tete, sa tete de tetu, tu connaissais mon pere… »

Oui je le connaissais. C’etait le frere du beau-pere, Claude Ryan. D’ailleurs, toute sa vie il aura ete connu ainsi. Le « frere de » d’abord, le maire de Montreal-Nord ensuite.

Pourtant, quel personnage de maire il pantalon! Un fou d’la life publique, de gestion municipale a microechelle. Son numero personnel est dans le bottin general et il recevait vraiment des appels de citoyens, chez lui, a toute heure, auxquels repondaient Huguette sa femme ou Denise, sa fille, ou comme ceux que son fils Guy, un ancien policier, aimait imiter. Yves, qui possi?de ete maire de Montreal-Nord de 1963 a 2011, rageait di?s qu’il obtenait moins que 90 % des votes a toutes les elections. Il connaissait pratiquement chaque electeur par son nom. Cela travaillait sept heures sur sept, « partait via un dix cennes » visiter une maison inondee, une rue bloquee par un banc de neige. « Cela ne prenait nullement sa pelle, quand aussi, mais il allait voir. Combien de fois on reste partis comme ca avec lui observer directement les problemes », raconte son gamin.

Il n’avait pas de secretaire. Il gerait sa ville comme il gerait ses finances personnelles : scrupuleusement, precisement, a l’ancienne, de facon tres prudente. Cela savait exactement combien d’argent rentrait et ou chaque dollar allait. J’ai corruption exposee a la commission Charbonneau lui donnait de l’urticaire. C’etait, comme le frere Claude, le digne fils de Blandine Dorion, votre mere profondement catholique, profondement integre, une travailleuse acharnee et devouee sans limite, et qui attendait autant de rigueur et d’engagement des autres en general et de ses fils en particulier. Dans leur univers, la flagornerie n’avait pas sa place. J’ai paresse non plus. Imaginez : abandonnee par le mari dans les annees 30, elle a quand meme eleve trois garcons, Gerald, Claude et Yves, qui sont devenus juge, directeur de journal et leader politique, maire… On imagine le personnage. Autoritaire, decidee, Blandine n’a pas forcement ete facile, pas forcement flexible. Son cadet lui ressemblait beaucoup durant ses dernieres annees, dixit Guy.

En personne, Yves Ryan etait aussi un rigolo qui aimait prendre d’une place joyeusement.

« Pis, comment ca va a Notre Presse », me demandait-il chaque fois que je le voyais. Et sans attendre de reponse, il commencait a commenter l’actualite, de maniere plus ou moins sophistiquee. « Eille, lui il en sort une marde », m’avait-il devoile un jour, ricaneux, en parlant de l’ensemble des scoops sur les derapages de l’administration Tremblay que sortait deja regulierement, a l’epoque, mon collegue Eric Trottier, jadis reporter a l’hotel de ville de Montreal. Yves n’etait pas fier de le homologue, heureux de n’avoir rien a se reprocher.

Durant ces annees, juste apres une retraite forcee avec la fusion des municipalites de l’ile, on sentait chez le politique de nombreuses regret de ne plus etre engage activement. Ces derniers temps, raconte Guy, il etait plutot content de ne plus etre associe au monde municipal.

Guy n’a jamais doute une seconde de l’integrite de le pere. « Il n’acceptait rien, rien, rien », dit-il. D’ailleurs, la famille ne vivait gui?re richement. « On ne faisait pas grand chose », raconte l’ancien policier. Pas de voyage, pas de luxe, toujours la meme maison dans une rue modeste de Montreal-Nord. Une life econome. « Notre seul passe-temps du pere, c’etait le golf. »

Notre golf, et une fois souvent, un petit verre de gin Tanqueray. Toujours, toujours avec de l’eau et deux glacons.